talismans
2022

 

Installation en cinq parties : trois personnages, une suspension, un arbre à prières + deux bannières
Exposée du 5 juillet au 11 septembre 2022, dans la chapelle du Musée d’Angoulême

Chaque élément de cette scène constitue un talisman, un objet magique, un bouclier fabriqué pour me protéger, du mauvais sort, de l’absurdité du monde, de mes frayeurs ordinaires et métaphysiques.

Deux citations soutiennent cette proposition : « Je remontais dans ma mémoire jusqu’à l’enfance, pour retrouver le sentiment d’une protection souveraine. Il n’est point de protection pour les hommes. Une fois homme on vous laisse aller… » (Antoine de Saint-Exupéry) et « Même en écarquillant les yeux, l’Homme ne voit rien. Il tâtonne en trébuchant sur la route obscure de la vie, dont il ne sait ni d’où elle vient, ni où elle va. Il est aussi angoissé qu’un enfant enfermé dans le noir. C’est la raison du succès à travers les âges des religions, des mythes, des horoscopes, des rebouteux, des prophètes, des voyants extralucides, de la magie et de la science aujourd’hui. Grâce à ce bric-à-brac ésotérique, l’Homme peut agir » (Henri Laborit).

 

Premier double, la « mariée », objet syncrétique total, convoque toutes les croyances : catholicisme, religions animistes, shinto/bouddhisme, vaudou.

Le second mannequin associe Dalila et Artémis. Il concorde avec mon « temps de femme », celui de la ménopause. Ne plus avoir ses règles, c’est pour moi non seulement se rapprocher de ce qu’un homme est constitutivement, par opposition à une femme ; mais aussi revenir à l’état de vierge. « Devenir homme », c’est Dalila, qui retire/prend sa force à Samson en lui coupant ses cheveux . « Être vierge », c’est Artémis, déesse des jeunes filles comme elle et protectrice des Amazones. Cette double référence m’incarne dans ce mannequin et me protège de cette période particulière de transition.

L’autoportrait photographique se rapporte lui aussi à ce moment de ma vie : je disparais peu à peu du champ de vision de la population masculine, parce que je suis passée dans une catégorie d’âge qui n’est plus conforme au canon féminin, et parce que ma fonction de reproduction, fondatrice du rôle social des femmes, s’éteint. Alors, je me montre/m’exhibe au contraire, parée d’une protection « tatouée » : un motif de dentelle (naturelle), celui du physalis, tel un grand capteur de rêves qui éloigne les mauvais songes. Car la dentelle, que je pratique, est une façon absolue de s’extraire du monde et, de fait, de s’en préserver.

La suspension a été réalisée après les attentats de novembre 2015, quand j’habitais encore à Paris, dans le 10e arrondissement. C’est dire combien il m’a fallu impérativement fabriquer ce
« bouclier », cercle magique regroupant des talismans de toutes sortes.

Enfin, l’arbre à prières, support pour les messages adressés aux divinités, renvoie à la guirlande aux mille grues (senbazuru), qui a le don d’exaucer un vœu de bonheur, de santé ou de longévité.