Dixit K.

 

Il est des œuvres qui hurlent de désespoir, d’autres qui apostrophent ou pontifient ou bavardent inutilement. Certaines se taisent car elles n’ont rien à dire. Celles de Juliette Solvès murmurent des secrets.

 

Ce qui frappe tout d’abord, c’est l’évidente singularité de son travail. Ces œuvres
lui ressemblent tant qu’il est presque impossible de les décrire sans évoquer son inquiétude, sa curiosité, son goût, sa féminité, ses émerveillements. Elles se rattachent à bien des histoires (de l’art entre autres) mais avant tout à la sienne, où les livres, les fantômes,
les objets et les couleurs ont été les plus fidèles compagnons de rêveries solitaires.

 

Ce qui trouble ensuite est la beauté.
Juliette Solvès prend le risque de la joliesse. Les matières sont aussi précieuses que
les couleurs, l’or rivalise d’éclat avec le verre, de délicieuses arabesques enchâssent des harmonies acidulées. Mais cette beauté est une toile d’araignée, un piège qui emprisonne le spectateur d’une manière perverse, pour qu’il voit, écoute et découvre les secrets enfouis.

 

Car ce qui fascine, enfin, ce sont les histoires. Chaque élément assemblé est, au-delà de
sa dimension esthétique, le fruit d’une histoire et chaque œuvre est un récit, une énigme ou une révélation que Juliette Solvès a agencé avec minutie et lenteur. Pour ce faire, le temps est une donnée essentielle. Au temps long
de la réalisation (le travail d’une brodeuse horlogère !) répond le temps long de la contemplation où chaque mot, découpé avec un soin maniaque et déposé comme un pétale sur une frêle tige, résonne avec une touche
de couleur ou une perle de nacre pour dévoiler des fables, des pensées ou des songes.
On en ressort ébloui et, signe de son grand art, cet éblouissement perdure et se renouvelle à chaque vision.

 

Karim Ressouni-Demigneux, 2014