Le 31 octobre 2020, les musées, comme bien d’autres lieux de vie et de culture, ont été contraints de fermer leurs portes. Obligés de sacrifier des mois de réflexion, de travail, d’organisation, en vue d’expositions, de propositions pédagogiques, d’activités de toutes sortes. Forcés d’interdire l’accès à leurs
espaces, de devenir des coquilles vides.

Le musée, c’est un lieu qui m’accompagne depuis toujours. Je m’y sens bien, j’y vais régulièrement, j’y côtoie des artistes d’autres temps et d’aujourd’hui, des œuvres anciennes ou actuelles, j’y entame des dialogues, j’y fais des découvertes. Les œuvres sont traversées par ceux qui les ont faites ; l’humanité me parle à travers ses créations.

 

Le 31 octobre 2020, j’ai été triste et abattue. Tant de projets avortés, d’expositions interrompues, tuées dans l’œuf, d’autres organisées mais jamais montées. Celle sur Alexandre-Évariste Fragonard entre autres, ici, là où j’habite, au musée dAngoulême.

 

Alors, au début de l’année 2021, dans le sillon des mouvements d’occupation des théâtres,
j’ai eu envie d’occuper le musée avec quelque chose. De faire preuve moi aussi d’une certaine résistance face aux événements. Cette affiche a d’abord été suspendue dans
le hall du théâtre d'Angoulême, puis, une fois
le musée ouvert de nouveau, elle y a été déplacée.

 

C’est Gilles Deleuze qui est l’auteur de cette phrase si frappante :
« L’art c’est ce qui résiste : il résiste à la mort, à la servitude, à l’infamie, à la honte. »

C’est Robert Desnos qui écrit dans son poème La Moisson :
« Et plus sombre est notre sort.

Nous ne voulons pas la lune.

Nous ne craignons pas la mort. »

 

J’ai utilisé le dispositif du calendrier de l’Avent car les fenêtres à ouvrir nous rappellent ainsi
le temps concret de fermeture (définitive).

À l’intérieur de chaque fenêtre, j’ai placé une photographie de l'exposition (je les ai  prises une fois celle-ci fermée). J’ai volontairement fait des images qui ne montrent pas véritablement : détails, vues biaisées,
reflets d’œuvres, etc. Aucune vue générale permettant d’embrasser l’exposition. Faire
la preuve qu’on n’a rien pu en voir.

 

La culture est essentielle, et en cela elle coûte. Comme je lisais sur une banderole :
« La culture coûte cher ? Essayez donc l’ignorance ! »

J’aimerais qu’on n’oublie pas si vite ces mois de fermeture, et que cette affiche participe un tant soit peu à la mémoire collective.

 

Juin 2021